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Revision as of 08:53, 9 October 2017

Fele2006
BibType ARTICLE
Key Fele2006
Author(s) Giolo Fele
Title La communication dans l'urgence. Les appels au secours téléphoniques
Editor(s)
Tag(s) EMCA, Emergency Calls, French, Conversation Analysis, Troubles
Publisher
Year 2006
Language French
City
Month
Journal Revue Française de Linguistique Appliquée
Volume 11
Number 2
Pages 33-52
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ISBN
Organization
Institution
School
Type
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Abstract

This paper examines verbal communication during an emergency, and in particular the telephone interaction between the person who calls for help and the operators working in a dispatching centre. Literature in this field (most of it dealing with cases in the USA) inspired by the principles of conversation analysis is reviewed. The paper presents the overall organization of the emergency calls and describes each phase of them. A comparison with ordinary phone calls allows us to bring into light two particular aspects of the emergency phone calls, their specialization and the compression of the opening sequence. As a final point it is shown how a misalignment between the parties and a consequent interactional asynchrony can produce serious communication troubles fraught with real consequences for the involved persons.

Notes


1 - La communication dans l’urgence

1 Les situations d’urgence constituent un objet d’étude particulièrement riche pour les chercheurs s’intéressant à l’interaction sociale et aux pratiques de communication. Il semblerait que, dans les situations d’urgence, les procédures normales et les routines habituelles qui règlent le cours des choses dans la vie ordinaire connaissent une accélération soudaine et prennent une tournure inattendue. Les conditions d’urgence concentrent rapports collectifs, dynamiques de sens et procédés de communication à un degré que l’on ne retrouve pas dans d’autres situations sociales. 2 L’imbrication entre routine et urgence caractérise un certain nombre d’activités professionnelles, dans lesquelles, comme le soulignait le sociologue américain E.C. Hughes (1971, 316), “one man’s routine of work is made up of the emergencies of other people”. C’est ainsi qu’un grand nombre d’études sur le traitement professionnel de l’urgence au sein de structures organisationnelles instaurées à cet effet ont vu le jour [1][1] On renvoie à Wilson & Oyola-Yemaiel (2001) pour une.... Au-delà des ethnographies du travail que les opérateurs accomplissent sur le terrain - aussi bien à bord de véhicules de secours (Hughes 1980 ; Palmer 1983 ; Mannon 1981 ; Metz 1981) que sur les lieux de l’accident (Büscher 2005) - des études importantes se sont intéressées au travail dans les centrales d’intervention d’’urgence en tant que « centres de coordination » (Suchman 1993, 1996, 1997). Le travail qui est accompli dans ces centrales qui gérent les demandes de secours a fait l’objet d’études récentes en Europe [2][2] Comme le numéro 112 en Suède (Artman & Waern 1999 ;..., aux États Unis [3][3] Pour les Etats-Unis on renvoie aux travaux de Whalen... et au Japon [4][4] Pour le Japon on renvoie à Ikeya (2003) et aux contributions..., d’inspiration théorique variée. Les travaux qui recourent aux principes analytiques de l’ethnométhodologie et aux « workplace studies » (Luff, Heath & al. 2000 ; Heath, Knoblauch & al. 2000) s’attachent plus particulièrement à montrer comment les opérateurs des centrales d’intervention d’urgence (call-takers, dispatchers, supervisors) accomplissent leurs tâches dans un climat d’intense collaboration (ouverte ou tacite), dans lequel les moyens technologiques de communication (radio, téléphones fixes et portables, télécopieurs, etc.) et de gestion de l’information (CAD, etc. ) relèvent d’une utilisation sociale et partagée des instruments. Ces études montrent que la résolution des ambiguïtés et le decision-making, les procédés de catégorisation et de classification typiques de ces environnements sont le produit d’une « cognition distribuée » parmi les opérateurs qui travaillent en concertation sur les cas. 3 Une autre orientation de recherches sur le travail d’intervention d’urgence a privilégié moins la communication intra-organisationnelle parmi les opérateurs, que la communication entre le citoyen qui appelle pour une intervention et l’opérateur qui lui répond [5][5] Pour une discussion sur la différence entre les manières.... Se fondant sur les principes de l’analyse conversationnelle, ces recherches étudient l’organisation sociale des appels d’urgence en suivant le développement séquentiel de l’interaction verbale [6][6] Le travaux précédents sur les appels au secours - adressés.... Si dans les études sur la collaboration entre les opérateurs d’une centrale d’intervention la langue parlée représente un constituant parmi d’autres d’un processus communicatif complexe (un cas de talk at work), en revanche dans les études sur les appels réclamant une intervention d’urgence la parole est au centre du processus communicatif (un cas de talk as work ; cf. Drew & Heritage 1992b) [7][7] Une convergence entre les workplace studies, centrées.... C’est ce deuxième aspect que nous traiterons dans cet article [8][8] Bien que dans ce domaine la littérature soit presque.... 2 - Les appels aux numéros d’urgence: organisation structurelle

4 L’appel à un numéro d’urgence peut être décrit comme un déroulement typique et récursif de certains éléments (Drew & Heritage 1992b, 43-45). Selon Zimmerman (1984 ; 1992a, 419 ; 1992b, 37) dans chaque appel on observe la présence de cinq phases importantes : (1) l’ouverture et l’identification, (2) la demande d’intervention, (3) une série d’interrogations de la part de l’opérateur qui essaye d’obtenir les informations nécessaires à l’intervention, (4) sa réponse à la demande d’aide, (5) la clôture. Ces phases sont visibles dans l’extrait suivant qui reproduit un appel au numéro d’urgence italien 118 à la suite de la sortie de piste d’un avion le matin du 30 juillet 1997 à l’aéroport de Florence Peretola : (1) 1997.07.30.10:39

5 Nous retrouvons dans cet extrait les cinq phases caractéristiques de ce type de conversation : l’ouverture et l’identification (lignes 1-2), la demande d’intervention (lignes 3-4), une série d’interrogations de la part de l’opérateur (lignes 5-12), la réponse à la demande d’aide (ligne 13), la clôture (ligne 14). L’ouverture de la conversation est réalisée dans la première phase. Le moment de l’ouverture de l’appel est particulièrement important, puisque en quelques tours de parole on explique la raison de l’appel, en s’orientant ainsi vers la tâche institutionnelle des numéros d’urgence. Zimmerman (1992b) et Wakin & Zimmerman (1999) montrent que dans ces cas la trajectoire de l’appel est sensiblement différente de celle d’appels ordinaires ne relevant pas d’appels de service: en particulier, ils constatent que les appels aux numéros d’urgence effacent, anticipent ou repositionnent certaines des composantes « canoniques » de la séquence d’ouverture des appels ordinaires. Selon les auteurs, l’organisation particulière des appels d’urgence renvoie spécifiquement à l’accomplissement de leur rôle : rassembler les informations pertinentes de l’événement et les traiter dans un délai minimal [9][9] Pour une critique de la thèse du « domaine professionnel ».... Les auteurs analysent la manière dont les opérateurs partagent leur attention entre la tâche de comprendre ce qui est arrivé et celle de transmettre les informations aux opérationnels qui vont intervenir sur le terrain [10][10] Cette phase du dispatching présente d’autres aspects.... 3 - Les composantes de l’ouverture des appels d’urgence et la demande de secours

6 En général, l’ouverture de toute conversation téléphonique constitue un lieu interactionnel « dense » (Schegloff 1968). Les participants doivent se « positionner" » réciproquement et de manière précise au cours de quelques tours de parole et de quelques instants fugitifs. Elles ne disposent pas des ressources visuelles qui nous permettent de reconnaître quelqu’un (et donc de nous prédisposer à l’interaction) à travers le regard. Dans les conversations téléphoniques tout est accompli à travers la voix, à travers les mots. Avant de commencer proprement à parler de quelque chose, les personnes doivent accomplir un certain nombre de tâches afin d’aligner leurs identités réciproques (Schegloff 1979b). Bien qu’elles soient accomplies rapidement, ces tâches requièrent en fait la réalisation d’une routine qui peut être décrite comme une séquence typique étendue. 7 Les ouvertures d’appels ordinaires sont construites à l’aide de ressources élémentaires: des éléments lexicaux relativement simples, peu nombreux et récurrents, qui constituent des tours de parole brefs et compacts. On n’y retrouve pas de phrases ou de constructions syntaxiques sophistiquées. L’interaction se déroule en suivant une procédure pas à pas, qui dénoue les aspects procéduraux au fur et à mesure qu’ils se présentent (Schegloff 1986). La phase d’ouverture joue un rôle fondamental dans ce qui a été nommé le « problème du positionnement » (Schegloff 1986, 116-117) dans les conversations téléphoniques ordinaires. Le problème du positionnement consiste dans le fait que la raison de l’appel doit être formulée "à un certain endroit", elle doit être positionnée à un certain moment de la conversation: il ne suffit pas que l’autre décroche le combiné pour que l’appelant en vienne immédiatement à la raison de l’appel. Les procédures initiales des appels ordinaires permettent d’aménager un premier endroit structural (slot) qui peut accueillir la raison de l’appel, le sujet de la conversation: elles fournissent donc la position de base, le premier "point d’ancrage" possible auquel on peut commencer à introduire le contenu du message. 8 Schegloff (1986) a identifié dans la phase d’ouverture des conversations téléphoniques ordinaires une macro-organisation composée au moins de 3 (ou 4) types de séquences qui doivent être terminées avant que l’on puisse introduire le premier sujet. La première séquence est constituée d’un « appel » et d’une « réponse" » (summons/answer); en deuxième lieu on a une séquence d’identification; en troisième lieu une séquence de salutations («salut», «bonjour», etc.); en quatrième lieu une séquence possible d’échanges sur la « santé » («comment ça va?», «comment vas-tu?», etc.). C’est après la fin du dernier échange de nouvelles sur la « santé » qu’apparaît la première opportunité d’introduire le « premier sujet »: en général, à ce moment l’interaction s’est déroulée de telle manière que l’appelant est bien placé pour l’introduire, fournissant ainsi la raison de l’appel [11][11] En réalité, il est possible d’introduire le sujet,.... 9 Ce qui se passe dans les appels d’urgence est très différent du schéma que nous venons de décrire. En revenant à l’exemple 1, on voit que l’appel commence par une identification catégorielle du service sollicité (ligne 1: « centodiciotto Firenze »). C’est comme lorsque nous avons affaire à un policier, à un militaire, à un médecin ou à une personne qui porte un uniforme ou une blouse (Fussell 2002) : l’interlocuteur manifeste immédiatement à travers ses vêtements le type d’identité pertinente pour l’interaction dans laquelle nous nous engageons [12][12] Il s’agit d’une figure qui représente une institution.... De même, dans l’appel d’urgence la personne qui répond au téléphone définit immédiatement le type de service que nous pouvons requérir. 10 La définition de l’identité catégorielle dans les appels d’urgence accomplit non seulement les mêmes fonctions que l’élément « allô » par lequel on répond aux appels ordinaires (c’est-à-dire qu’elle termine la paire adjacente “appel/réponse"), mais elle a aussi des conséquences fondamentales sur l’activité suivante. Dans les appels d’urgence, le deuxième tour (le premier pour l’appelant) est occupé immédiatement par la présentation du problème et par la demande d’aide. Cela signifie que les identités pertinentes pour la rencontre sont établies au bout de deux tours de parole. Il s’agit d’une paire articulant des rôles complémentaires. L’échange verbal implique qu’il y ait un locuteur (à un moment précis) et un auditeur (à ce même moment); une conversation téléphonique prévoit que les droits et les devoirs de l’appelant et du répondant sont établis; lors d’un appel à un numéro d’urgence, les participants s’alignent réciproquement l’un comme "citoyen" ou comme "personne ayant besoin d’aide", et l’autre comme "celui qui entreprend le nécessaire pour que l’aide requise soit fournie". La tâche de définition des identités institutionnelles, accomplie en deux tours de parole seulement, établit le cadre immédiat pour la suite de l’interaction [13][13] Cet établissement du cadre est confirmé par le traitement.... 11 La réponse des opérateurs d’urgence n’est pas destinée à permettre une reconnaissance de la voix, comme c’est le cas des appels ordinaires, mais à fournir une identité institutionnelle que le service même requiert et à laquelle s’attend l’appelant. En effet, comme le souligne Zimmerman (1992b, 43), “in dialing the advertised number of the police or fire department, callers expect to connect with an answerer acting in the capacity of an agent of that organization, an identity that the answerer’s self-identification confirms”. C’est dans ce sens que la réponse de l’opérateur d’urgence exhibe la caractéristique d’être spécialisée dans un objectif particulier au sein de l’interaction en cours [14][14] La conversation téléphonique ordinaire exhibe par contre... (Wakin & Zimmerman 1999 ; Whalen & Zimmerman 1987). 12 Voyons à présent comment se poursuit l’appel d’urgence. Après le tour de l’opérateur qui répond à l’appel (la sonnerie du téléphone), l’appelant prend la parole pour la première fois. En général, celui qui appelle ne procède pas à une auto-identification [15][15] Il ne s’agit pourtant pas d’un invariant. Les appelants...: il n’y a pas de symétrie entre l’action de la centrale d’urgence et celle de l’appelant. Dans les appels au secours l’appelant passe en général immédiatement à la formulation du problème, dans le premier tour à sa disposition [16][16] Comme l’observe Zimmerman (1992a, 449-457), le fait.... Tel est le cas des lignes 3-4 de l’exemple 1: « quattro ambulanze immediatamente in aeroporto, anzi no quattro, più che potete. C’è stato un incidente ». On voit ainsi qu’à l’ouverture, succède immédiatement la phase de la requête (le problème du positionnement est résolu ici par l’appelant à la première occasion possible). Dans l’exemple analysé, l’appelant (lignes 3-4) demande une intervention (« quattro ambulanze ») sur la base de la description d’un problème (« c’è stato un incidente »). 13 La manière dont le problème est présenté constitue une autre caractéristique fondamentale des appels d’urgence. Zimmerman (1992a, 435-411) identifie quatre manières de présenter la raison de l’appel [17][17] Pour une analyse phénoménologique de la manière dont...: on peut faire des requêtes (requests), des annonces (reports), des comptes rendus (descriptions) ou des récits (narrative accounts). Examinons ces quatre possibilités. 14 Les requêtes sont typiquement formulées dans un format qui rend visible le besoin ou le désir de l’appelant d’obtenir de l’aide ou qui commandel’envoi d’assistance. On le voit dans l’extrait suivant: (2) 030820 164839 ch50

15 La requête est formulée comme première partie d’une paire dont la clôture garantira une réponse (la satisfaction effective de la requête) (Wilson 1991). Il est cependant rare que l’appel au secours se limite à cet échange de la requête et de sa satisfaction, comme s’il s’agissait d’une commande de pizza. Les demandes de secours qui ne contiennent aucune information sur la nature du problème, qui sollicitent donc une réponse sans fournir la raison de la demande, ne sont pas suffisantes pour activer la machinerie du secours [18][18] Même dans le cas des requêtes venant d’autres organisations.... La satisfaction de la requête n’est par conséquent pas immédiate : les opérateurs attendent un certain nombre d’informations avant de pouvoir effectivement satisfaire la requête. Lorsque l’appelant ne fournit pas la raison, le call-taker initie au tour immédiatement suivant un questionnement orienté sur elle. La phase de l’interrogation [19][19] Dans l’exemple 1, immédiatement après la requête formulée... – qui peut être plus ou moins longue – peut s’ouvrir de cette manière [20][20] Imbens-Bailey et McCabe (2000) observent que dans leur.... 16 Les annonces sont des pratiques présentant la raison de l’appel dans une brève description ou par la mention d’une catégorie. Les accidents de la route sont typiquement introduits de cette manière, comme le montre l’exemple suivant: (3) 030902 200544 ch51

17 Les annonces définissent le problème de manière concise et directe. C’est dans ce format que l’on peut voir de manière particulièrement évidente que l’appelant est orienté vers une activité d’un certain type lorsqu’il lance un "appel pour une urgence" : c’est-à-dire qu’il s’attend à trouver, à l’autre bout du téléphone, un récepteur prêt à recevoir une annonce de ce genre. Ainsi Wilson (1991, 34) observe que "at this point, the relation between the parties has been established in terms of the manifest business of the agency the caller has intentionally reached, namely the dispatching of help in response to requests or reports of trouble. […] In sum, caller and answerer have established the potential relevance of a mutual categorization of each other as citizen complainant and complaint taker, where these categorical identities are specifically tied to the particular organization the caller has reached". 18 D’autres appels commencent par un compte rendu de l’événement moins concis que la simple annonce. Les comptes rendus sont généralement faits d’énoncés déclaratifs qui informent le call-taker du problème, tout en fournissant quelques éléments contextuels additionnels. On le voit dans l’exemple suivant: (4) 030829 185044 ch18

19 Les annonces et les comptes rendus identifient de manière concise le problème pour lequel on demande une intervention. Les appelants ont toutefois la possibilité aussi de raconter une véritable histoire qui mène à l’identification du problème à l’origine de l’appel [21][21] Imbens-Bailey et McCabe observent que dans 75% environ..., comme dans l’extrait suivant: (5) 030830 191930 ch50

20 Les récits auxquels recourent les appelants signalent des événements ambigus dans un certain sens. Zimmerman (1992a, 439) a observé que souvent "in the course of providing this account he furnishes a context within which both the features of the event and the grounds for claiming knowledge of them (the practical epistemology of their discovery) are provided (Whalen & Zimmerman 1990). The narrative format appears to furnish callers with the resources to pursue the mobilization of response to a possibly ambiguous problem, and to package their report in a way that exhibits their status as ordinary, disinterested, reasonable witnesses (Bergmann 1992)" [22][22] Tracy et Anderson (1999) relèvent que les citoyens.... Contrairement à ce qui se passe dans les annonces et dans les comptes rendus, où les événements sont présentés de manière à ce que le caractère raisonnable de l’appel d’urgence apparaisse immédiatement, dans le cas des récits les appelants présentent souvent des aspects du monde qui ne sont pas immédiatement reconnaissables en tant que situations d’urgence demandant une intervention certaine et immédiate de la part d’une organisation (Sharrock & Turner 1978, 179 ; cf. aussi Whalen, Zimmerman & al. 1988, 346, et le travail de Tracy & Agne 2002 sur les disputes en famille). Dans ces cas, les opérateurs d’urgence discutent avec l’appelant pour déterminer de quel événement il s’agit et pour évaluer s’il est de nature à mériter (ou non) une intervention (Meehan 1989) [23][23] En particulier, le travail de la police comporte aussi.... Le fait qu’un appelant s’engage dans une annonce, un compte rendu ou une histoire a donc des conséquences sur la nature et l’étendue des questions qui suivent et par conséquent sur la satisfaction plus ou moins rapide de la requête initiale d’intervention. 21 Ainsi, après le premier tour de l’appelant, l’appel continue en général par un travail d’interrogation de la part du call-taker. Nous sommes dans la phase centrale de l’appel (phase 3). Un appel d’urgence peut être défini comme une paire adjacente dans laquelle le premier élément (la requête) est séparé du deuxième élément (la réponse) par une séquence insérée de questions et de réponses que Zimmerman (1998, 101-105) appelle « interrogative series ». Comme on a pu le voir dans l’exemple 1, après le tour de requête de l’appelant, l’opérateur du 118 recueille d’abord les informations relatives à l’endroit dans lequel l’événement est survenu (ligne 5: "signora, dove?") et relatives ensuite au type d’événement (ligne 11: « che tipo di incidente è »). Ce n’est que quand la phase de l’interrogation est terminée que la demande peut être satisfaite (phase 4) (ligne 13: « bene, si manda subito qualcuno »). En général, après la satisfaction de la requête l’appel est clôturé rapidement (phase 5), généralement par un remerciement de la part de l’appelant (ligne 14: « grazie ») (Nordberg 1998). 4 - Problèmes de communication

22 Les choses ne vont pas toujours de manière aussi simple. Certaines études ont montré qu’une « interactional asynchrony » (Jefferson and Lee 1981, 402) entre l’appelant et le call-taker peut mener à des problèmes pratiques sérieux (Whalen, Zimmerman & al. 1988). Le simple retard dans le partage de la gravité de la situation – dans le domaine de l’urgence, la rapidité de la réaction est essentielle – peut faire la différence entre vie et mort. Voyons l’exemple suivant: (6) Usine de papeterie, 11h40, premier appel durée totale: 1’06)

23 Nous pouvons voir dans cet extrait que l’appelant ouvre la conversation par une auto-identification catégorielle (ligne 2 : qua la cartiera di Vigarona) [24][24] Nous avons vu dans l’exemple 1 que l’appelant ne s’était.... Tout de suite après, le call-taker demande la raison de l’appel (ligne 3 : sì, cosa è successo). L’appelant formule ensuite une requête (ligne 4 : serve urgentemente un’ambulanza) suivie d’une annonce (ligne 5: si è fatto male un ragazzo) qui décrit la personne concernée à l’aide d’un terme de référence générique (Tracy & Anderson 1999, 207-210). L’annonce est traitée par le call-taker comme insuffisante pour justifier l’envoi immédiat des moyens de secours [25][25] En suivant la terminologie de Whalen, Zimmerman & al..... Le call-taker poursuit donc l’interrogative series (ligne 6 : mi dica cosa gli è successo). A partir de ce moment, des problèmes commencent à apparaître. D’abord l’appelant n’arrive pas à fournir davantage de détails sur le développement de l’événement (ligne 7 : beh, non le so dire. è in terra svenuto); ensuite, après que le call-taker a formulé une demande spécifique (ligne 8 : lo vede respirare?), l’appelant manifeste qu’il n’a pas une connaissance de première main de l’événement et que la personne qui a besoin d’être assistée ne se trouve pas dans son champ visuel (ligne 9 : eh, adesso "lo vede"). Le call-taker exige des informations plus précises pour organiser le dispositif de secours. L’appelant commence à montrer des signes d’impatience liés à la procédure (ligne 10 : le ho telefonato per (---)), mais le call-taker interrompt ses protestations en renvoyant de manière explicite à sa formulation initiale non satisfaisante du problème (ligne 11 : ma non "si è fatto male"), pour ensuite lui demander une description plus précise de l’événement, en vue d’une utilisation éventuelle de tous les moyens disponibles, y compris l’hélicoptère (lignes 12-13 : signore, bisogna che mi dica bene cosa è successo, perché se c’è bisogno mando anche l’elicottero). Entre le call-taker et l’appelant il n’y a plus cet alignement naturel réciproque qui permet à l’appel d’évoluer en synchronie [26][26] Whalen, Zimmerman & al. (1988) décrivent et analysent.... L’appelant s’éloigne du téléphone – probablement afin de vérifier les faits – pendant que l’opérateur, via radio, envoie une ambulance à l’usine à papier. Un premier problème vient donc du fait que l’appelant n’était pas un témoin direct de l’événement à l’origine de l’appel. Comme nous l’avons vu, l’appelant découvre progressivement le fonctionnement de l’organisation : une simple requête d’aide n’entraîne pas l’intervention attendue, à moins d’en fournir les bases raisonnables (Whalen & Zimmerman 1990). Lorsque l’appelant revient au téléphone, la situation ne semble pas avoir changé du point de vue des informations disponibles. L’appelant n’est toujours pas en mesure de fournir une description plus précise des événements (ligne 17 : mandate l’elicottero, non non no so). La réponse est traitée par le call-taker comme une annonce de ce qu’il faut faire, plutôt que comme une information qui apporterait des éléments nouveaux sur l’événement. Le call-taker réprimande l’appelant et essaye de revenir au frame de l’interrogation (lignes 18-19 : no, ascolti, lei non deve dirmi cosa devo mandare, lei mi dica le condizioni della persona). En quelque sorte, le call-taker essaye de rétablir la frontière entre savoir profane et savoir expert (Zimmerman 1998, 104 ; Sacks 1972a, 1972b), pour réaligner les rôles institutionnels appropriés de chacun des participants. La réponse de l’appelant est une formulation du problème qui, une fois de plus, emploie le format de l’annonce (ligne 21 : signora, c’è un ragazzo che sta male qua) et qui n’ajoute aucun autre élément à la formulation précédente. A ce point, le tour de l’appelant peut être interprété aussi comme une protestation à l’égard d’une procédure d’interrogation qui fait perdre du temps au lieu de fournir l’aide requise [27][27] La caractéristique de l’énoncé qui le rend reconnaissable.... Le call-taker traite la réponse de l’appelant comme un retour au format de l’interrogation et essaye de continuer à poser des questions (ligne 22 : ecco. respira?). La reprise du format d’interrogation engendre une réponse agacée et une exclamation énervée de la part de l’appelant (ligne 23 : sembra di no, sembra, cazzo!) qui raccroche immédiatement. Bien qu’un moyen de secours ait été envoyé sur place, le call-taker n’a pas réussi à obtenir beaucoup plus d’information sur l’événement qui a engendré l’appel d’urgence [28][28] Dans ce cas précis, en fait, on n’aurait pas pu faire.... 24 Cet appel représente non seulement un exemple d’un problème courant dans les communications d’urgence – c’est-à-dire une mauvaise synchronie, un mis-alignment entre le rôle de l’appelant et celui du call-taker, chacun avec son propre horizon de pertinences [29][29] Cet aspect a été mis en évidence par Hughes (1971,... – mais aussi un exemple de la manière dont les émotions, la « rage » et l’ « hystérie » peuvent constituer une dimension importante des moments d’urgence et interférer avec la mise en œuvre d’une aide professionnelle (Whalen & Zimmerman 1998 ; Tracy & Tracy 1998a, 1998b ; Schuler 2001) [30][30] K. Tracy s’est penchée en particulier sur les problèmes.... D’un point de vue interactionnel, la définition que les opérateurs donnent d’une personne « hystérique » n’équivaut pas à la reconnaissance d’un état psychologique particulier de l’appelant, mais plutôt à une incompétence située: l’incapacité de l’appelant à collaborer, pendant le déploiement de l’appel, à l’accomplissement des tâches institutionnelles de l’organisation du secours (Whalen & Zimmerman 1998, 144). Il existe donc une sorte de paradoxe à la base des appels de secours qui peut les rendre problématiques. D’une part, plus l’événement est grave, plus il est nécessaire de transmettre la perception de la gravité de manière directe à celui qui est institutionnellement en mesure de fournir le secours – l’"expression ouverte des sentiments" (Mauss 1921) étant dans notre culture la manière de réagir à des situations difficiles et d’inférer la gravité de l’événement, lorsqu’on occupe la position d’observateur. D’autre part, pourtant, l’expression ouverte des sentiments empêche la collaboration et constitue un obstacle réel à la vérification des faits et à la définition de l’aide appropriée dans ces circonstances spécifiques (Whalen & Zimmerman 1998, 150). 5 - Suggestions pratiques découlant des études sur les appels d’urgence

25 Malgré les difficultés typiques du travail des centrales d’urgence, on peut dire en général que ces services fonctionnent avec efficace. Les call-takers reçoivent les appels des citoyens et arrivent à recueillir les informations pertinentes qu’il vont transmettre aux dispatchers pour qu’ils envoient les moyens de secours. En général, les opérateurs des centrales sont des professionnels très bien préparés : ils accomplissent efficacement leur métier dans des conditions qui exigent des compétences relationnelles et communicationnelles pour gérer des personnes sous stress et des compétences organisationnelles pour coordonner les secours de la manière la plus efficace. Les cas dans lesquels "quelque chose tourne mal" et qui ont fait l’objet d’études de la part des analystes de la conversation, représentent des événements rares, quoique possibles. La recherche sur l’interaction est donc en mesure de documenter et de rendre évidentes les bonnes pratiques que sont les procédures routinisées régulièrement employées par les opérateurs. 26 Les applications de ce genre d’études ont des conséquences intéressantes pour les pratiques professionnelles en situation d’urgence. 27 Plutôt que de se focaliser sur des situations problématiques, relativement rares, et de sanctionner les erreurs éventuellemenet commises dans ces cas, l’analyse conversationnelle met à la disposition des opérateurs une procédure méthodique, basée sur des principes séquentiels, pour dévoiler les aspects granulaires (Schegloff 2000) qui constituent l’activité normale et compétente du travail d’urgence. L’analyse conversationnelle met à disposition un système analytique pour reconnaître, décrire, analyser et définir cet essaim de compétences pratiques incorporées dans le travail professionnel. Il y a quelques années, Gilsinan (1989, 342) soulignait à propos des appels au numéro d’urgence américain 911 qu’il était nécessaire de prendre en considération deux aspects des opérations d’urgence: "focusing externally, [operators] can improve the quality of incoming data. Working with citizens, upgrading equipment, and training operators in how to elicit better detail from callers are some of the strategies that flow from this organizational perspective. Administrator should also focus inward, however. Organizational quasi-theories embedded in codes, manuals, and employees’ assumptions about tasks may negate any effects of ‘better’ data. Meaningful data (i.e. information), not better data, is what binds organization and its clients". Assurément, on en est toujours là. 28 Conventions de transcription : 29 les transcriptions sont effectuées en suivant le système jeffersonien. 30 Traduit de l’italien par Elwys de Stefani Références

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[1] On renvoie à Wilson & Oyola-Yemaiel (2001) pour une description historique de l’institutionnalisation des professions de l’urgence aux États-Unis. [2] Comme le numéro 112 en Suède (Artman & Waern 1999 ; Normark 2002 ; Petterson, Randall & al. 2004 ; Norberg 1998), en Norvège (Tjora 2004), le 999 au Royaume-Uni (Martin, Bowers & al. 1997 ; Bowers & Martin 1999 ; Blandford, Wong & al. 2002 ; Wong & Blandford 2001, 2002, 2003, 2004), le 118 en Italie (Fele 2005, 2006 ; Paoletti sd, 2006 ; Monzoni & Zorzi 2003), le 15 en France (Greco 2002). [3] Pour les Etats-Unis on renvoie aux travaux de Whalen (1995a, 1995b) sur la phase du dispatch, et de Zimmerman et ses collègues sur les appels d’urgence que nous commenterons plus loin. [4] Pour le Japon on renvoie à Ikeya (2003) et aux contributions de Shiino, Kashida, Rita, Urano, Takayama et Okada parus dans le numéro monographique de la revue (en japonais), The Journal of Studies in Contemporary Social Theory (1996). [5] Pour une discussion sur la différence entre les manières divergentes d’"obtenir de l’aide" au moyen du téléphone, et, en particulier, pour une comparaison entre help-lines et les appels d’urgence cf. Francis & Hester (2004, chap. 6, 97-114) ; pour une comparaison entre les appels d’urgence et les autres appels de service cf. Wakin & Zimmermann (1999). [6] Le travaux précédents sur les appels au secours - adressés surtout à la police - sont peu nombreux (cf. Bercal 1970 ; Shearing 1974 ; Gilsinan 1989 ; Antunes & Scott 1981 ; Broadhead 1986). Dans une perspective interactionniste symbolique, cf. Manning 1988. [7] Une convergence entre les workplace studies, centrées sur le travail coopératif entre les opérateurs de la centrale (étudié sur la base d’enregistrements vidéo) et l’analyse de l’interaction se déroulant entre l’appelant et le call-taker (étudiée en utilisant des enregistrements audio), peut être trouvée dans les recherches récentes de Zimmerman (Whalen & Zimmerman 2005). Cf. aussi Fele (2005, 2006). [8] Bien que dans ce domaine la littérature soit presque exclusivement américaine, nous analyserons des exemples issus d’une recherche que nous sommes en train de mener et qui porte sur les centrales d’intervention d’urgence médicale en Italie qui répondent au numéro 118. Toute information sensible a été modifiée pour respecter la vie privée des personnes enregistrées. Il faut souligner que ces données ne couvrent pas les urgences qui concernent la police ou les sapeurs-pompiers. [9] Pour une critique de la thèse du « domaine professionnel » selon laquelle les opérateurs disposeraient de stratégies pour contrôler l’interaction aux dépens de l’appelant, cf. Eglin & Wideman (1986). [10] Cette phase du dispatching présente d’autres aspects intéressants du point de vue de la communication de l’urgence que nous ne pouvons analyser ici. Pour une analyse des communications entre le dispatcher dans la centrale opérative et les infirmiers sur les lieux de l’accident, cf. Mellinger (1992, 1994). [11] En réalité, il est possible d’introduire le sujet, la raison ou l’information manquante à tout moment de la phase initiale de l’appel. Ceci est vrai pour chacun des interlocuteurs: cela signifie qu’une ouverture « routinisée » complète - comme celle que Schegloff (1986) décrit à travers les 3 ou 4 phases ordonnées et successives - n’est pas une interaction où il ne se passe rien, mais, au contraire, la réalisation systématique d’une tâche qui est accomplie en renonçant, à chaque opportunité possible, à introduire de manière anticipée l’information manquante qui peut constituer l’objet ou le thème de la conversation. Cf. Schegloff (2002) pour une réflexion comparative à propos des variations culturelles des ouvertures téléphoniques. [12] Il s’agit d’une figure qui représente une institution et non pas un passant; il s’agit en outre d’un "policier" et non pas d’un "sapeur-pompier". La phase du « pre-beginning » (Schegloff 1979b, 27) est plus problématique dans les appels, étant donné qu’il n’y a pas un accès visuel aux parties qui sont en train de s’engager dans l’interaction. Comme le dit Zimmerman (1992ab, 39) “the opening sequence itself is embedded in a presumptive prior sequence of actions that establishes the subsequent accountability of talk cum action in the call: dialing the number projects need prior to the alignment ordinarily achieved by the identification/ acknowledgment portion of opening sequence. The issuance of the telephone summons itself projects a virtual identity”. [13] Cet établissement du cadre est confirmé par le traitement que les opérateurs réservent aux appels qui se révèlent relever de la mauvaise plaisanterie. L’appel s’oriente vers la clôture à partir du moment où il est évident qu’il ne s’agit pas d’une demande sérieuse d’aide : cf. Zimmerman (1990). [14] La conversation téléphonique ordinaire exhibe par contre une caractéristique générique valable pour différents objectifs de l’interaction en cours. [15] Il ne s’agit pourtant pas d’un invariant. Les appelants peuvent s’identifier en introduisant leur prénom et leur nom de famille (cf. Zimmerman 1992a, 449-452), mais ceci aura des conséquences aussi bien sur le déroulement de l’interaction que sur l’interprétation qu’en font les participants. Par exemple, le fait de dire son nom peut être perçu comme un geste coopératif de la part de l’appelant vis-à-vis du travail que fait le call-taker, même si le fait d’introduire son nom en premier lieu revient à retarder la formulation du problème: par conséquent, l’appelé peut y reconnaître un geste non coopératif. [16] Comme l’observe Zimmerman (1992a, 449-457), le fait de mentionner le nom ou le lieu d’où l’on effectue l’appel dans le premier tour dans lequel l’appelant a la possibilité de prendre la parole, peut constituer une phase préliminaire d’un récit pendant lequel émerge la raison de l’appel. Les opérateurs de la centrale peuvent demander le nom de l’appelant dans une phase successive de l’appel, le plus souvent dans une phase qui en préfigure la clôture. Jefferson et Lee (1981, 413-415) ont observé que les personnes demandant une intervention d’urgence pour une troisième personne sont souvent surprises par la demande, avancée par la centrale, d’indiquer son propre nom au lieu du nom de la personne qui fait l’objet de l’intervention d’urgence (les auteurs appellent ce phénomène « Cargo Syndrome »). [17] Pour une analyse phénoménologique de la manière dont les appels d’urgence constituent une thématisation de l’espace situationnel d’un seul participant à la conversation, c’est-à-dire de l’appelant, on renvoie à Backhause (1997, 208). [18] Même dans le cas des requêtes venant d’autres organisations (centrale d’intervention des autoroutes, des hôpitaux, etc.) où la requête n’émane pas d’un citoyen privé, la demande d’intervention est liée à la raison de l’intervention. [19] Dans l’exemple 1, immédiatement après la requête formulée par l’appelant ("quattro ambulanze, anzi no quattro, più che potete", lignes 3-4), l’opérateur demande où est survenu l’accident (ligne 5). Une fois que ces informations sont recueillies, l’opérateur demande la raison de la demande d’intervention (ligne 11: "che tipo di incidente è?"). [20] Imbens-Bailey et McCabe (2000) observent que dans leur corpus environ 50% des appels se terminent en dix tours. [21] Imbens-Bailey et McCabe observent que dans 75% environ des appels d’urgence de leur corpus les appelants s’engagent dans une brève narration dans le premier tour, alors que c’est seulement dans les cas restants qu’ils produisent une simple requête. [22] Tracy et Anderson (1999) relèvent que les citoyens qui appellent la police pour signaler un comportement incorrect ou illégal de la part de quelqu’un doivent non seulement décrire le problème mais doivent également se positionner en quelque sorte par rapport à la personne en question. [23] En particulier, le travail de la police comporte aussi la pratique de jeter l’ombre du doute sur ce que les appelants rapportent dans un appel d’urgence ; cf. Garcia & Parmer (1999). [24] Nous avons vu dans l’exemple 1 que l’appelant ne s’était d’abord pas identifié, se qualifiant ensuite à travers une auto-identification catégorielle – par laquelle il se présente non pas comme un individu qui prend l’initiative d’appeler de sa propre volonté spontanée, mais comme un représentant d’une organisation (ligne 10 : è la direzione dell’aeroporto), après que le call-taker ait employé une forme de reconnaissance personnelle (ligne 5 : signora, dove?). [25] En suivant la terminologie de Whalen, Zimmerman & al. (1988, 346), on peut dire que du côté de l’appelant un frame du type 1 semblerait être en vigueur (la requête d’un service, comme lorsqu’on commande une pizza ou que l’on appelle un taxi), alors que du côté du call-taker c’est un frame du type 2 qui est en vigueur (prêter un service pour les cas qui correspondent aux situations typiques prévues par le protocole). Cf. aussi Tracy (1997). [26] Whalen, Zimmerman & al. (1988) décrivent et analysent un cas d’interactional asynchrony encore plus dramatique, où une véritable dispute éclate entre le call-taker et l’appelant, portant sur les "règles fondamentales" de l’interaction dans les demandes d’aide (Watson 1986). L’appel se termine sans qu’un moyen de secours ait été envoyé ; la personne concernée meurt. Ce cas fit l’objet d’une grande attention de la part des journaux de Dallas (Texas), où l’événement eut lieu. [27] La caractéristique de l’énoncé qui le rend reconnaissable comme une protestation découle entièrement de son positionnement séquentiel. En ouverture d’un appel, un énoncé de ce genre constitue un format approprié pour une demande d’intervention, comme nous l’avons vu plus haut. [28] Dans ce cas précis, en fait, on n’aurait pas pu faire grand chose: comme on le saura plus tard, la personne pour laquelle l’appelant avait demandé l’intervention était décédée immédiatement après avoir subi un choc fatal. [29] Cet aspect a été mis en évidence par Hughes (1971, 346), lorsqu’il observe que "the person with the crisis feels that the other is trying to belittle his trouble; he does not take it seriously enough. His very competence comes from having dealt with a thousand of cases of what I like to consider my unique trouble. The worker thinks he knows from long experience that people exaggerate their troubles. He therefore builds up devices to protect himself to stall people off". Tracy (1997) soutient que de nombreux problèmes qui émergent dans l’interaction sont liés à l’utilisation de deux frames interprétatifs différents: les citoyens utilisent un "customer service" frame, alors que les opérateurs des centrales s’orientent vers un "public service" frame. [30] K. Tracy s’est penchée en particulier sur les problèmes qui découlent de l’incapacité de la part du call-taker d’éviter un conflit ouvert avec l’appelant (Tracy & Tracy 1998a). Pour une perspective systémique et fonctionnelle on renvoie aussi au travail de Perez-Gonzalez (1998).